La période de trève orageuse commence à se faire longue. Pourtant, ma saison 2021 a largement joué les prolongation, puisqu’elle s’est finie en apothéose le 3 octobre avec un réveil en trombe (littéralement) et une fin de journée en pilonnage de foudre en méditerranée. Là où d’habitude, je boucle en général la saison orageuse en août, mais, habiter en Auvergne et non plus en Bretagne change la donne. Justement, j’aurais du ne pas m’ennuyer sur le plan photographique en Auvergne l’hiver. Mais, la faute à une météo maussade mais très peu neigeuse (un temps breton, quoi!), je n’ai pas vraiment pu profiter de l’hiver Auvergnat… Les orages se font donc attendre.

Enfin, le 23-24 Avril, une situation orageuse un minimum alléchante se présente sur le pays. On décide, avec Jordan et Martin, de reformer notre trio de choc de cette incroyable chasse du 3 octobre dernier. Deux options s’offrent à nous :
– La Bourgogne : un système pluvio-orageux massif est vu en soirée notamment en Saône-et-Loire. C’est un terrain de chasse sympa, pas trop loin, mais le risque de gros système pluvio-venteux pas esthétique est grand
– La Côte d’Azur, avec des orages attendus sur le littoral de nuit. Les modèles de prévision météo sont assez disparates, le potentiel est là sur le papier mais certains modèles notamment les plus performants ne voient strictement rien.

On choisit la deuxième option, croyant dur comme fer à la magie de la méditerranée, à l’envie de reprendre les orages là où on les avait laissés en fin de saison dernière, et surtout parce que, sur le papier, c’est quand même là que le potentiel esthétique est le meilleur.

Sur la route, on croise de loin des orages qui s’apprêtent à aborder le Vaucluse. Que l’on décide de snober, s’attarder sur ces orage au potentiel esthétique incertain compromettrait la suite. Nous faisons bien car, notamment une fois dans les Bouches du Rhône, sur l’autoroute, la convection est dantesque tout autour de la voiture. Le ciel est vraiment tropical. On décide de faire un point à Fréjus, où un orage est actif en mer en fin de journée. Il fait 9 degrés, le vent est glacial, les conditions ne sont pas sans me rappeler mes promenades hivernales en bord de mer en Bretagne. Pourtant, c’est bien la méditerranée qui se tient devant moi, et le ciel, lui, revêtit toujours son aspect tropical. Quelques impacts se manifestent au loin, peu visibles, et je réalise ma première capture kéraunique depuis l’arrière de l’orage.

Premier filament de la saison !

Nous décidons ensuite de nous restaurer et de définir la stratégie de chasse de la soirée. Les hauteurs de Monaco nous apparaissent être une bonne option car le risque a l’air plus à l’Est de notre position. En fait, ce sera un peu trop une bonne option. Tellement bonne, que les orages vont continuellement se former sur notre position, beaucoup trop près pour le confort. Ca a commencé par un ascendant sur Monaco. Puis, alors que tombe la pluie, la grêle, et que nous sommes réfugié dans la voiture, un impact extrêmement proche tombe sur la falaise de l’autre côté de la route, à quelques mètres seulement de nous. Assez surréaliste. Je ne l’ai pas aperçu en détail, mais mes compères de chasse ont pu le voir tomber ainsi que la mise à feu de ce qu’il a touché. S’en suivra ensuite un double impact, l’un à une cinquantaine de mètres sur le parking de l’hôtel grand luxe juste à côté de nous, l’autre à peine plus loin derrière. Les stars de la jet-set qui devaient être sous le perron de l’hôtel ont du vivre de grosses sensations fortes !

Après ça, on décide de revoir notre positionnement, cette première salve, impossible d’en faire quoi que ce soit, elle prend trop proche des terres sur notre position, et l’activité électrique est noyée. On prend du recul, et on décide de partir sur Antibes, plus à l’ouest, où la deuxième salve est attendue. De gros congestus ont pris juste devant nous en mer. L’un d’eux donne d’ailleurs un peu d’activité électrique. Et puis, un deuxième forme une enclume, prend de la vigueur sur le radar, il devient évident qu’il va donner quelque chose. L’attente se fait un peu longue, le premier flash d’intra, signe traditionnel du début des hostilités, n’arrive toujours pas. Pourtant, je braque dès maintenant mon objectif dessus, persuadé qu’il ne faudra pas louper sa première manifestation électrique. Effectivement. Pas de préliminaires, l’orage balance directement un incroyable extra-nuageux. Une forme magnifique, avec des ramifications. Vu que je venais de réajuster mon cadrage pour cette éventualité, je sais que je l’ai plein cadre. Quelle joie lorsque la photo s’affiche ! J’ai longtemps rêvé de ce type d’image, les extra-nuageux sont des éclairs hors normes, absolument sublimes, mais tellement difficiles à immortaliser.

Splendide extranuageux dans la Baie des Anges au large d’Antibes (06) le 24 avril 2022

L’orage ne réitèrera toutefois pas l’événement. Il ne fallait donc vraiment pas le louper.

La foudre se manifeste toutefois régulièrement au large, alors que d’autres orages naissent toujours dans le même axe, atteignant leur maturation devant nos yeux.

Cumulonimbus sur son lit de foudre au large d’Antibes (06) le 24/04/22

L’activité orageuse explose d’ailleurs au point que notre point de vue Sud-Est ne nous permet pas de profiter pleinement des orages déjà matures au sud-ouest. On décide donc de bouger vers un autre point de vue à quelques minutes en voiture… Que nous quitterons quelques minutes plus tard pour revenir à notre position initiale. Une nouvelle cellule s’excite en effet droit devant nous, avec une base presque suspecte.

La ligne de convergence continue et semble vraiment nous frôler, les rideaux des nouvelles cellules sont devant nous, la foudre tombe juste derrière la presqu’ile, ponctués par d’impressionnants internuageux juste devant nous.

Esthétique triple impact de foudre sur le littoral d’Antibes (06) le 24/04/22

Vers 4h du matin, l’activité faiblit, chaque nouvelle cellule est un peu moins électrique, et la fatigue commence à se faire sentir. Je décide d’arrêter la prise de vue et tenter une petite sieste. Cela fait facilement 30 minutes qu’il n’y a plus rien d’intéressant. Mais mon collègue Jordan, plus motivé et endurant que moi, continue de shooter des images noires. Et mes paupières ont à peine commencées à tombées qu’un immense flash, suivi simultanément d’un cri de joie et d’une déflagration, me font instantanément passer d’un état de somnolence à un état d’adrénaline : un double impact vient de tomber juste devant nous, à environ 500m.

Le jour commence à se lever, nous sommes épuisés mais nous savons que tout n’est peut-être pas fini. Des paramètres météo favorables aux trombes marines sont prévus légèrement plus à l’ouest alors que la convergence est toujours en place. Nous décidons de revenir tranquillement vers l’ouest en passant par la route qui longe le littoral. Les paysages sont magnifiques, le ciel menaçant et de plus en plus parlant. Vers Saint-Raphaël, un arrêt s’impose : une base nuageuse est en forte rotation !

Jusqu’au bout, nous y croirons, mais il manquait un petit quelque chose pour que ça veuille bien tourner.

Il est temps de rentrer, et de réaliser sur le trajet du retour que cette première chasse ne pouvait être plus épique : foudre très (très!) proche, extranuageux, grêle… Je semble continuer sur la lancée de 2021, et pourtant, même avec tout l’optimisme du monde, j’étais loin d’imaginer ce que 2022 réserverait dans les mois à venir…